Quand 51N4E fut chargé de convertir en espace multifonctionnel le rez-de-chaussée d’un immeuble de bureaux vide du quartier européen, le premier réflexe des architectes fut de terminer de dénuder le bâtiment de tous ses revêtements intérieurs. Désormais transformé en coquille de béton vide dotée seulement de quelques installations minimalistes, StamEuropa est une invitation ouverte aux citoyens d’Europe à trouver un lieu accueillant face à l’impénétrable UE.
Le Fonds quartier européen, dont la vocation est d’améliorer l’image du quartier européen, et la European Quarter Area Management Association se sont adressés à l’agence de design d’intérêt général Vraiment Vraiment pour les aider à créer un espace « vraiment démocratique » au sein du quartier européen, dont la réputation n’est actuellement pas très bonne en raison de ses immeubles institutionnels monofonctionnels et impénétrables ainsi que de l’absence d’espaces ouverts aux citoyens. Vide depuis dix à quinze ans, l’immeuble de sept étages situé à l’angle de la rue d’Arlon et de la rue Jacques de Lalaing était voué à la démolition. Vraiment Vraiment a convaincu son propriétaire, la Régie des bâtiments, de réaffecter le budget destiné à la taxe sur les immeubles inoccupés pour permettre une rénovation légère du bâtiment, et a obtenu un leasing de cinq ans pour un espace hybride.
StamEuropa existe grâce à l’implication d’acteurs très variés : publics, privés et organismes sans but lucratif. Dans cette constellation, les architectes ont pour mission de transposer les idéaux programmatiques en espaces pertinents, en respectant un budget limité. Pour concrétiser cet idéal collaboratif, 51N4E a fait appel à différents experts de l’aménagement d’espace, en particulier les créateurs textiles de Chevalier-Masson et les paysagistes de Plant en Houtgoed, qui ont investi l’espace extérieur intermédiaire des colonnades et de la rue adjacente.
La complexité du processus lié au projet contraste quelque peu avec l’extrême clarté qui sous-tend le processus de design. L’espace de double hauteur a été totalement dépouillé de toute forme d’ornement pour ne laisser que les motifs formés par les résidus de colle et d’enduit jadis utilisés pour fixer les lourds revêtements muraux. Le mobilier – de petites et lourdes tables en pierre et acier – a été fabriqué à partir des hexagones en marbre qui ornaient les murs du lobby, tandis que le bar a été réalisé avec d’anciens éléments de coffrage. La façade témoigne de l’état intermédiaire d’occupation : les éléments de maçonnerie disposés entre les colonnes pour bloquer l’accès aux locaux vides ont été partiellement retirés. Leurs découpes créent une frise en demi-cercles qui trouve écho dans le lourd rideau suspendu à l’intérieur. Avec son système d’ouverture verticale évoquant les théâtres vénitiens, il offre une isolation thermique et acoustique et permet de diviser l’espace.
Avec son petit bar et divers sièges et configurations invitant à la discussion, littéralement et métaphoriquement destinés à faire sortir les utilisateurs de leur zone de confort, StamEuropa accueille aujourd’hui une grande diversité d’événements. Des discussions et débats organisés par des citoyens et lobbies démocratiques aux performances et installations artistiques, ou encore au réparateur de vélo et au service de location d’outillage, le programme hybride et flexible pourrait s’étendre à l’étage supérieur dans les prochaines années, devenant de facto un nouveau prototype de conversion d’immeubles de bureaux en espaces polyvalents pour les citoyens.