ZINNEKE, l’association socio-artistique connue pour sa parade bisannuelle dans les rues de Bruxelles, s’est installée depuis 2013 dans le quartier Masui, au nord du centre-ville. Après quelques années de nomadisme, elle a trouvé ce lieu permanent qui, en étroite collaboration avec ROTOR et OUEST architecture, est aujourd’hui rénové et restructuré. Ce qui est ambitieux ici, c’est l’approche de cocréation destinée à permettre une réutilisation poussée des matériaux et à stimuler une collaboration privilégiant la bienveillance et la solidarité entre les individus.
Pour ce projet, ZINNEKE et ROTOR ont lancé un appel d’offresparticulier qui ne demandait pas de présenter un projet concret, mais bien une méthode de cocréation. OUEST a réussi à convaincre avec sa proposition d’installer une «project room» sur le site même, où grâce à un lien étroit avec le bâtiment et à la présence des ateliers et des matériauxrecyclables disponibles sur place, une stratégie de travail a été élaborée permettant aux intéressés de cocréer et de discuter ensemble de toutes les phases du projet.
À l’intérieur du bâtiment, ZINNEKE dispose de ses propres ateliers de travail du métal et du bois mis en œuvre sur le chantier. Cela témoigne d’une stratégie participative allant bien plus loin que ce qui se pratique habituellement et visant de manière fondée un échange à différents niveaux, au-delà de l’échange de savoir et de savoir-faire, mais aussi de moyens et de cultures.
Lorsqu’on se promène dans le bâtiment, on constate rapidement à quel point la participation prend forme dans l’architecture. Par exemple, un escalier récupéré dans la démolition du bâtiment Baudouin qui appartenait aux pouvoirs publics flamands a été coupé en deux et réintégré dans deux espaces extérieurs du site. ROTOR ayant fourni l’escalier, les plans ont été adaptés et l’atelier métal de Zinneke a ensuite assuré sa transformation sur place. «C’est un exemple éloquent de cocréation. Ce projet n’est pas un plan d’architecte exécuté ensuite par un entrepreneur: c’est bien plus dynamique», affirme Jan Haerens d’OUEST.
Bien que les entrepreneurs œuvrant sur les projets de particuliers soient coutumiers de la récupération de matériaux, l’application de ce principe dans le cadre d’une adjudication publique n’est pas forcément une évidence. Tout dépend largement de la volonté du commanditaire. Ce projet incarne en l’occurrence les valeurs clés de Zinneke: respecter l’humain et l’environnement, et travailler dans un espace solution en promouvant le dialogue. Par ailleurs, il faut également que les architectes soient familiarisés avec ce genre de processus participatif. Les architectes d’OUEST se qualifient plutôt de «bâtards» que de «puristes», dans le sens où ils estiment que le métissage des cultures et des peuples est plus intéressant que «le pur» ou «le juste». Stéphane Damsin de poursuivre: «Ce qui nous intéresse, c’est cette espèce d’intelligence populaire, qui n’est pas nécessairement ‘low-tech’, mais juste le bon sens en fait. Pas parce qu’il n’y a pas d’argent, mais parce qu’il n’est parfois pas nécessaire de déployer des moyens immenses alors qu’il faudraitpeut-être juste réfléchir un peu mieux la chose.»
Dans le quartier Masui, l’activité économique est toujours très imbriquée au quotidien dans le tissu résidentiel, mais on y ressent une forte pression de gentrification due à la revalorisation des quartiers environnants. Le projet ZINNEKE construit des ponts et réfléchit sciemment au rôle de chaque acteur dans le processus de construction de demain: dans un esprit de bienveillance et de solidarité, au sein de la capitale productive que Bruxelles pourrait être et sera!